"Et bien qu'il ait perdu sa part, il s'est vu offrir la plus riche récompense pour avoir aidé les autres membres de l'expédition face à de nombreux dangers. Vu la difficulté de transporter la charge à la maison et n'étant pas trop amateur de trésor, il refusa de prendre plus de deux petites caisses, l'une d'or, et l'autre d'argent. Fin de l'histoire." La fillette semblait aux anges. Elle adorait les histoires, qu'elles soient vraies, ou imaginées d'ailleurs. Elle voulait toujours croire qu'il y avait une part de vérité dans tout ce que pouvait lui raconter ses parents. Surtout son père. Elle aimait bien ses histoires à lui. Il y avait une part d'innocence, de folie dans ce qu'il lui racontait.
"Maintenant, il est temps d'aller te mettre au lit." Après un câlin, hop, la fillette s'emmitouflait dans les couvertures afin d'être bien au chaud. Qui était cette jolie tête brune aux yeux noisette et aux longs cheveux ? Et bien, la fille d'un médecin et d'un PDG d'une grande entreprise. Comment s'appelait-elle ? Aleksa. Et où vivait-elle ? Aux USA, à New York très précisément. Une naissance ... Pas très commune, si on peut dire ça comme ça.
Mais histoire de situer un peu, parlons rapidement de sa famille. Son père, John Truman Davenport, était donc le PDG d'une multinationale qui avait plusieurs petites entreprises ici ou là, implantées aux USA ou bien dans d'autres pays. Il était souvent en déplacement mais ça ne l'empêchait pas de passer du temps avec ses proches. Oh non. Ses enfants, et sa femme, il les chérissait. Enfin, à l'époque, avant la naissance de Aleksa, son fils, plus précisément. D'origine américaine, il descendait d'une famille de riches investisseurs qui avaient fait leur fric dans la vente de couteau suisse. Et qui aurait cru que le marché s'en porterait aussi bien. D'où le fait que monsieur était du genre millionnaire, et qu'il escomptait bien atteindre le milliard avant la fin du XXème siècle.
Madame Davenport ? Oh, une russe qui s'était exilée pour fuir le KGB. Parce que ses parents avaient, dirons-nous, fourré leurs mains dans des affaires pas très nettes. Et généralement, ce sont aux enfants que de "payer" la dette des parents. Enfin, Ekaterina Gregorovitch s'était lancée dans la médecine pour aider son prochain. Et elle était plutôt douée dans ce domaine. Son futur mari ? Ils se sont rencontrés à un gala de charité organisé par l'hôpital de cette dernière. Elle cherchait des fonds. Et elle en trouva auprès de John. Le coup de foudre. Ou presque. Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants. Fin de l'histoire ? Non. Ils eurent un premier enfant, un petit garçon. William. Et le bonheur serait bientôt complet puisque la famille allait s'agrandir. Enfin, c'était ce que tout le monde croyait.
La petite famille était de sortie. Ils allaient voir le frère de John. Mieux aurait-il fallu qu'ils ne sortent pas, qu'ils restent chez eux. Ils roulaient tranquillement. Ekaterina avait jeté un coup d'oeil sur le petit William. John souriait. Tout semblait parfait. Et puis, d'un seul coup, bam, un gros 4x4 en vint à faire une sortie de route, après avoir grillé un feu. Ca aurait pu être sans conséquence, mais il percuta le véhicule de la famille Davenport. La berline fit quelques tonneaux avant d'atterrir dans un pré. Les secours furent dépêchés. Le gars du 4x4 avait eu un épisode syncopal mais le choc avec l'autre véhicule avait ramené son rythme en sinusal. En quelque sorte, cet accident lui avait sauvé la vie. Pour la famille Davenport, le résultat fut tout autre. John avait une fracture du bassin et son thorax avait tapé fort contre le volant. Avec la faute à pas de chance, il avait été à deux doigts que de se défoncer totalement le thorax. Au moins, il était vivant, c'était déjà ça.
Ekaterina, quant à elle, s'était blessée au front à cause du tableau de bord. Une blessure pratiquement minime. On aurait presque pu dire qu'elle s'en sortait bien, mais non. Du fait qu'elle avait été ceinturée pour éviter de passer à travers le pare-brise, il y avait eu une forte compression au niveau de son abdomen. Les bébés, parce qu'elle attendait des jumelles, étaient en danger. Les médecins avaient remarqué une hémorragie interne au niveau de son ventre et il fallait les sortir rapidement afin de les sauver tous les trois. Seulement ... Il y eut un problème avec l'une des poches amniotiques qui s'était rompue dans l'accident. L'une des deux jumelles ne survécut pas ce jour là. Et la seconde, Aleksa Neveah Yulia, fut placée dans le service de réa néo-nat. Les chances étaient de cinquante/cinquante. Soit elle vivait, soit elle mourrait.
Oh, et au passage, la maman … ne s'en était pas sortie. Ouais, pas top du tout. Elle avait perdu bien trop de sang. Son utérus était descendu trop bas si bien qu'il était même pratiquement sorti. Un truc que les médecins n'avaient jamais vu, ou que trop rarement. Elle fut montée en chirurgie après l'extraction des jumelles. Et elle resta plusieurs heures sur la table d'opération. Alors que tout était presque fini, enfin, l'intervention, la maman fit une CIVD, un syndrome hémorragique. Les médecins ne purent pas la sauver. On en était déjà à deux morts. Et on n'a pas parlé du petit William, le petit garçon de deux ans. Que lui était-il arrivé dans l'accident ? Avait-il fait pigeon vol parce qu'il était mal sanglé ? Etait-il encore en vie ? Et bien ... Non, il était mort, lui aussi, des suites d'une intervention chirurgicale. Sa rate avait explosé, son foie avait été touché. Un de ses poumons s'était affaissé. Il aurait pu vivre sans rate, et avec un seul poumon. Il aurait pu vivre, aussi, avec une partie de son foie enlevé. Mais il avait perdu pas mal de sang des suites de l'hémorragie interne. Et malgré tous les efforts des chirurgiens, ils n'avaient rien pu faire pour le sauver.
Résultat des courses : celui qui avait provoqué l'accident était vivant et n'avait que peu de blessures. Et la pauvre famille victime de l'accident avait été amputée de trois de ses membres. Le père de famille était dans un état critique, mais il s'en sortirait. Quant au bébé, son état était tout aussi critique. Mais fallait croire que cette petite, c'était déjà une chieuse née. Aleksa resta trois mois en réa néo-nat où son père veilla sur elle puisqu'il était sa seule famille. Qui aurait cru qu'elle survivrait à ce jour faste ?
Et si on faisait court, hein, vous en pensez quoi ? J'doute que ça soit ... humainement possible. Ce n'est pas du tout le genre de la maison. Comme dit, Aleksa resta trois mois en réa néo-nat, le temps d'être sûr que tout irait bien pour elle. Elle était une petite fille forte et robuste et tout alla bien pour elle. Elle grandit sans encombre, sans développer de quelconques problèmes médicaux. Mis à part quelques rhumes et otites, mais rien de grave en soit. Malgré ses deux mois d'avance, elle n'avait pas, non plus, eu des problèmes au niveau cérébral. Les médecins, et son père surtout, avaient eu peur qu'elle soit mentalement retardée. Mais non, c'était une fillette très bien éveillée. Tant mieux pour John. Il n'aurait, sans doute, pas eu le courage que d'élever une gamine, même de son sang, à moitié attardé.
Deux ans après sa naissance, Aleksa avait une nouvelle maman. Ou plutôt, une belle mère qu'elle considérait comme sa mère, ce qui était normal d'ailleurs. John s'était remarié. Il avait mis un peu de temps à faire son deuil ... Non, à dire vrai, il ne lui avait fallu que quelques mois et il était de nouveau parti en chasse. La solitude fait peur à certaines personnes si bien qu'elles cherchent, à tout prix, à se caser avec quelqu'un, et ce même s'ils sont mal assortis. En tout cas, ça permettait à Aleksa d'avoir une mère ... et un demi frère qui pointa le bout de son nez lorsqu'elle eut deux et demi à peu près. Un petit frère nommé Shawn.
Les deux enfants grandirent donc ensemble, avec une petite cuillère en argent dans la bouche. Ils avaient tout ce qu'ils demandaient, même les trucs les plus loufoques. Quand ils furent un peu plus grands, ils faisaient des bêtises ensemble. Accusaient le chat, ou bien le chien. Il y avait une réelle complicité, sans aller dans l'extrême, tout de même. Chacun avait ses copains, ses copines. Pas d'amis en commun, fallait tout de même une barrière entre eux. Et à l'école ... disons qu'à l'école, tout le monde savait qu'ils étaient parents mais ce n'était pas pour autant qu'ils jouaient ensemble dans la cour de récréation. Fille et garçon avaient des divergences d'opinion. Les garçons jouaient aux billes ou bien aux pogs. Les filles jouaient à la marelle ou faisaient de la corde à sauter. Et en grandissant, dans la cour de récré, enfin, au collège, plus personne ne joue vraiment. Les élèves préfèrent discuter. Parler des garçons, ou bien des filles. Enfin, ça dépendait un peu.
Au niveau des notes, Aleksa cherchait toujours à être la première. La compétition était rude dans sa classe parce qu'il y avait une autre tête pensante, un autre petit génie. Ils étaient toujours en train de comparer leurs notes, pour voir qui était le meilleur, qui avait mieux fait cette fois-ci. Quand l'un était meilleur que l'autre, il jubilait et se vantait, tandis que l'autre déprimait un peu. Avant de se concentrer sur la prochaine interrogation et de tenter de faire encore mieux. Oui, Aleksa était du genre très compétitive. Mais ce n'était pas plus mal. De cette manière, elle travaillait beaucoup, elle se donnait les moyens que de réussir et elle avait toujours de bonnes notes, pour le plus grand bonheur de ses parents, et de son frère qui prenait exemple sur elle afin de suivre le même chemin. Même si, honnêtement, et il faut bien le dire, le plus important pour Aleksa, c'était le pognon de son père et tout ce qu'il pouvait lui acheter.
L'argent, une monnaie sûre. Et c'était bien d'en avoir plein, du moins, selon Aleksa. Pourquoi ? Et bin, parce qu'elle pouvait donner de super fêtes à la maison, pour son anniversaire, ou celui de son frère. Et faire, aussi, de super soirées pyjamas. Avec plein de films, de pizza, de bonbons et d'autres trucs de ce genre. Bref, la belle vie, en quelque sorte. Mais qui irait s'en plaindre ? Sûrement pas Aleksa, et sûrement pas son frère non plus. Et encore moins sa belle-mère qui, Aleksa s'en doutait, devait courir après l'argent de son paternel. Soit dit en passant, mais on s'en fout un peu, du haut de ses douze ans, Aleksa surprit sa belle-mère au lit avec le jardinier. Elle ne se priva pas pour prendre quelques photos et les montrer à son père qui divorça sur le champ et fit de sa petite fille adorée -une vraie peste, ouais- son unique héritière si jamais il en venait à mourir.
L'adolescence ... Une période peut évidente, si on peut dire ça comme ça. Une période qui forge le caractère d'un être humain, et qui fait ce qu'il devient par la suite. Si ça se trouve, Aleksa aurait pu devenir une toute autre femme ... Si elle avait eu une présence féminine à ses côtés, si son père n'avait pas cédé à tous ses caprices. Mais quand elle demandait quelque chose, d'une manière, ou d'une autre, Aleksa finissait par obtenir ce qu'elle désirait. Et qu'importe ce que c'était. Et pour papa John, c'était encore plus facile de lui donner ce qu'elle demandait si ça concernait, directement, l'argent. Ou quelque chose payable en argent. Elle voulait organiser une méga fiesta ? Et bien, son paternel lui donnait son aval et elle le faisait. Elle voulait faire des folies en dépensant une année de paie qu'un simple employé gagnerait en un claquement de doigts ? Papa John approuvait. Enfin, non, il n'approuvait pas réellement. Mais disons ... Disons qu'il ne disait rien et qu'il laissait faire. Oui, sa fille était incontrôlable. Mais c'était sa petite fille chérie, celle qui lui rappelait sa tendre épouse morte. Certes, Ekaterina ne reviendrait pas à la vie, mais par Aleksa, il la voyait encore. Peut-être pour cette raison que monsieur ne disait rien, ou ne faisait rien. Pour le plus grand bonheur de miss je fais ce que je veux quand je le veux.
Vers quatorze, quinze ans, Aleksa commença, tout de même, à se poser des questions sur sa vraie mère. Du moins, qui elle était, d'où elle venait. Tant de choses que son père avait préféré passer sous silence pour la simple et bonne raison qu'il n'avait pas envie de se faire du mal. Parce que ça l'attristait, parce qu'il n'avait pas envie d'en parler. Et surtout, parce que John n'avait pas tous les détails de l'histoire de sa femme et qu'il n'avait pas envie de les découvrir. Seulement, Miss j'embête le monde se fichait un peu des sentiments de son père. Et elle, elle finirait par découvrir qui était sa mère, ses origines, ses grands-parents peut-être. Une fouine celle-là. Chercher sur Internet, c'était facile, mais néanmoins, pas évident de trouver les informations qu'elle voulait. Elle creusa à la source, plus simplement. Ou du moins, pour le faire, Aleksa se mit en tête dans l'idée que d'apprendre le russe, histoire de prendre contact avec quelqu'un, en Russie. Ca serait bien plus simple, selon elle. Heureusement que pour les langues, elle était plutôt douée. Sa langue maternelle, le français, l'espagnol -ces deux là, c'était à l'école qu'elle avait appris et elle avait poussé ses connaissances un peu plus loin-. Et le russe serait la prochaine corde à son arc. Ca prendrait le temps qu'il faudrait, mais elle y parviendrait, un jour, ou l'autre.
Et les garçons dans tout ça ? Hein ? L'adolescence, c'est le temps des premiers amours, le temps de faire des bêtises, ses propres expériences. Faire des bêtises, ok. Seulement, Aleksa avait une sorte de pacte avec son père. Et ce pour éviter qu'elle ne fasse trop de conneries, ou de moins, des conneries qui pourraient lui coûter cher. Le pacte donc ? Pas d'alcool et pas de drogue avant sa majorité, soit à ses vingt-et-un ans. Si elle était clean à dix-huit, Aleksa recevrait un "petit" héritage. Un petit million. Pas grand chose, selon son père, mais ça lui permettrait de faire des investissements si elle le désirait, de se payer ses études, et tout un tas de choses. Et si elle continuait sur cette lancée, mademoiselle aurait un autre "petit" pécule dès qu'elle aurait vingt-et-un ans. Donc, il valait mieux, pour elle, que de se tenir à carreau. Heureusement que son père n'avait pas inclus le sexe dans leur pacte, parce que sans doute que ça aurait pu lui faire défaut.
Un petit ami fixe ? Oui, disons qu'elle s'était trouvée quelqu'un qu'elle connaissait depuis deux ou trois ans déjà. Parce qu'ils étaient ensemble au collège et au lycée. Et qu'ils s'entendaient plutôt bien. Ils avaient quelques points communs. Pas beaucoup, mais quelques uns tout de même. Seulement, fallait croire que tout ce qui intéressait monsieur, c'était de sauter la demoiselle et puis au revoir. Mauvais moment ? Manque de chance ? Difficile de dire. Ou peut-être que c'était parce qu'elle avait cru une rumeur disant qu'il n'était pas un si gentil garçon que tout ça et qu'il aimait bien passer d'une conquête à une autre, comme s'il changeait de chemise. Quoi qu'il en soit, Aleksa n'ira pas dire que c'était une grande perte qu'ils ne se voient plus.
Sa famille ? Aleksa avait repris le contact avec son demi-frère, Shawn. La vie n'était plus aussi belle, pour lui, depuis que sa mère et le père d'Aleksa avaient divorcé, mais il était plutôt heureux comme ça. Et voir sa demie-soeur, de temps à autre, ça ne lui faisait pas de mal. Son père ? Ils étaient proches, plus ou moins. Il avait ses réunions, voyageait beaucoup. Il n'était pas souvent à la maison. Mais ça ne les empêchait pas que de se parler tous les jours quand il n'était pas sur New-York. Sa mère biologique ? Aleksa était toujours à la recherche d'informations, mais c'était au point mort.
Majorité atteinte, il était temps, pour Aleksa, que de poursuivre ses études. Et dans quoi allait-elle se lancer ? Et bien ... Il n'y avait qu'une chose qui l'intéressait vraiment. La médecine. Comme elle n'arrivait pas vraiment à trouver qui était sa mère et tout ça, elle se lança dans le même domaine que cette dernière. Du moins, lorsqu'elle était encore vivante. Et puis, la médecine, c'était pour elle quoi. Surtout que la miss était du genre hyperactive. Elle l'avait toujours été d'ailleurs. Et quelque peu insomniaque sur les bords aussi. Donc, une fois qu'elle serait diplômée et qu'elle commencerait son internat, elle pourrait faire des heures et des heures sans pour autant être ultra fatigué. Quoi qu'il en soit, ça fait deux ans qu'elle est à Columbia. Et quand bien même elle reste sérieuse pour ses études, ça ne l'empêche pas d'avoir tout un tas d'activités à côté, et de faire la fête quand il le faut.